L'Horreum Romain de Narbonne : Un Trésor Archéologique Souterrain
L’Horreum de Narbonne représente l’un des rares monuments romains encore visibles au cœur de la ville moderne, témoignant du riche passé antique de cette ancienne colonie romaine. Situé à une centaine de mètres au nord du Palais des archevêques, ce réseau de galeries souterraines constitue un vestige exceptionnel de l’architecture romaine en Gaule Narbonnaise.
Sommaire

Histoire et Contexte de Narbo Martius
La fondation et l’importance de Narb Martius
Première colonie romaine fondée en Gaule en 118 av. J.-C., Narbo Martius (l’actuelle Narbonne) occupait une position stratégique exceptionnelle. Située au carrefour des voies Domitienne et d’Aquitaine, elle constituait un nœud commercial vital reliant l’Hispanie, l’Aquitaine, la Gaule, Rome et la Méditerranée. Son port antique était considéré comme le second port de Méditerranée occidentale après celui de Rome.
L’urbanisme romain de Narbonne
La ville romaine s’organisait selon un plan orthogonal classique avec un forum central et un réseau de rues principales dont le cardo (axe nord-sud). Le forum, cœur politique et commercial de la cité, était entouré d’édifices publics importants. C’est précisément au sud de ce forum, en bordure du cardo, que fut édifié le bâtiment dont l’Horreum constituait les fondations souterraines.
L’Horreum : Architecture et Caractéristiques
Description architecturale
L’Horreum de Narbonne se compose de galeries souterraines situées à 5 mètres sous le niveau actuel de la ville. Ces structures impressionnantes, construites au Ier siècle avant notre ère, présentent des dimensions remarquables avec une largeur de 7,25 mètres et une hauteur sous voûte de 2,30 mètres en moyenne.
Structure et composition
Le réseau souterrain s’articule autour de trois ailes principales (ouest, sud et nord). La galerie ouest s’étend sur 50 mètres tandis que la galerie nord mesure 37,7 mètres, couvrant une superficie totale d’environ 200 m². Chaque aile comprend un couloir central flanqué de petites pièces latérales munies d’étroites ouvertures.
Techniques de construction romaines
Les galeries de l’Horreum illustrent parfaitement les techniques de construction romaines avec l’emploi de voûtes en berceau et d’arcs en plein cintre. Les bâtisseurs romains utilisaient un système de coffrage en bois sur lequel était coulé un mortier de tuileau (mélange de chaux et de fragments de terre cuite) qui, en séchant, formait une structure monolithique extrêmement résistante.
Fonction et Usage du Horreum
Définition et rôle des horrea dans l’Empire romain
Le terme latin « horreum » (pluriel « horrea ») désignait dans l’Antiquité romaine un entrepôt. Bien que souvent associés au stockage de céréales, les horrea servaient également à entreposer d’autres marchandises comme l’huile d’olive, le vin, les vêtements, et même des matériaux précieux comme le marbre.

Hypothèses sur la fonction du horreum de Narbonne
La fonction exacte du bâtiment qui se trouvait au-dessus des galeries souterraines de Narbonne reste encore incertaine. Les archéologues supposent qu’il s’agissait d’un marché ou d’un entrepôt commercial, ce que suggère sa localisation stratégique près du forum et du cardo, en plein cœur commercial de la cité. Ces fondations souterraines auraient servi à réguler la température et à protéger les marchandises stockées.
Comparaison avec d’autres horrea romains
Les horrea étaient des structures communes dans les villes et les forts de l’Empire romain. À Rome, les plus importants comme les Horrea Galbae couvraient des surfaces immenses (21 000 m²) et comportaient des centaines de pièces. Comparativement, l’Horreum de Narbonne est de taille modeste mais son état de conservation exceptionnel en fait un exemple unique en Europe occidentale.
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Découverte et Fouilles Archéologiques
Redécouverte et premières études
L’existence des galeries souterraines de l’Horreum a été officiellement signalée en 1838, bien qu’au début du XVIIIe siècle, l’érudit G.-A. Lafont les avait confondues avec l’amphithéâtre romain. Entre 1838 et 1842, les membres de la Commission archéologique et Littéraire de Narbonne entreprirent les premières fouilles, découvrant notamment un pavement en opus spicatum.
Campagnes de fouilles successives
De 1930 à 1943, les souterrains furent explorés et fouillés par l’abbé Signal, avant que ces travaux ne soient interrompus pendant la Seconde Guerre mondiale, période durant laquelle les galeries servirent d’abri pour la défense passive. En 1945, un sondage sous la rue Rouget-de-Lisle permit de reconnaître le prolongement de l’aile sud, et c’est à cette époque que le terme « horreum » commença à être utilisé pour désigner ces structures.
Fouilles modernes et recherches récentes
En 1967 et 1968, l’archéologue Yves Solier poursuivit l’exploration des galeries souterraines. Plus récemment, les techniques modernes de prospection archéologique ont permis de mieux comprendre l’intégration de l’Horreum dans le tissu urbain de Narbo Martius. Ces recherches s’inscrivent dans un effort plus large de compréhension du système portuaire et commercial de l’antique cité.
Conservation et Mise en Valeur
Protection et classement
Les galeries souterraines de l’Horreum ont été classées au titre des Monuments Historiques en 1961, reconnaissant ainsi leur valeur patrimoniale exceptionnelle. Cette protection juridique a permis d’assurer leur préservation et d’envisager leur mise en valeur pour le public.
Aménagements pour la visite
Après des travaux d’aménagement, l’Horreum a été ouvert au public en 1976. Depuis 1997, les galeries souterraines font partie d’un complexe qui comprend également une entrée en rez-de-chaussée, un espace d’exposition et deux cours. Les visiteurs peuvent aujourd’hui explorer les deux galeries souterraines principales (ouest et nord) et découvrir l’ingéniosité architecturale romaine.
Défis de conservation des structures souterraines
La conservation de monuments souterrains comme l’Horreum pose des défis spécifiques liés à l’humidité, aux infiltrations d’eau et aux pressions exercées par les constructions modernes en surface. Les techniques de conservation doivent respecter l’authenticité du site tout en assurant sa pérennité et son accessibilité au public.
L’Horreum dans le Paysage Culturel de Narbonne
Intégration dans le circuit touristique et culturel
Aujourd’hui, l’Horreum constitue, avec les vestiges archéologiques du Clos de la Lombarde, l’un des seuls monuments romains visibles et visitables au centre de Narbonne. Il fait partie d’un circuit touristique permettant de découvrir le riche passé antique de la ville.
Gestion par l’EPCC Narbo Via
Depuis 2020, l’Horreum est géré par l’Établissement public de coopération culturelle (EPCC) Narbo Via, qui regroupe également le musée Narbo Via et le site d’Amphoralis à Sallèles-d’Aude. Cette gestion commune permet une approche cohérente de la valorisation du patrimoine romain de Narbonne.
Le musée Narbo Via : complément moderne à l’Horreum
Inauguré récemment, le musée Narbo Via, conçu par l’architecte Norman Foster, constitue un complément indispensable à la visite de l’Horreum. Ce musée de 8000 m² présente plus de 9000 pièces archéologiques issues des fouilles menées à Narbonne et dans sa région, permettant de contextualiser les vestiges de l’Horreum dans l’ensemble plus vaste de Narbo Martius 2.
L’Importance Scientifique et Patrimoniale
Témoignage unique de l’architecture romaine
L’Horreum de Narbonne constitue un témoignage exceptionnel de l’ingéniosité architecturale romaine et de leur maîtrise des techniques de construction souterraine. La qualité de ses murs et la robustesse de ses voûtes, qui ont traversé deux millénaires, témoignent du savoir-faire des bâtisseurs romains.
Contribution à la compréhension de Narbo Martius
Les recherches menées sur l’Horreum ont contribué de façon significative à la compréhension de l’urbanisme et de l’organisation économique de Narbo Martius. Elles ont notamment permis de mieux cerner l’importance commerciale de la cité et son rôle de plaque tournante dans le réseau d’échanges méditerranéens.
Rareté des structures souterraines romaines conservées
La rareté des structures souterraines romaines aussi bien conservées confère à l’Horreum une valeur archéologique exceptionnelle. En France, ce type de vestige souterrain (également appelé cryptoportique) est peu fréquent, ce qui renforce l’importance de sa préservation et de son étude.
'Horreum romain de Narbonne représente un témoignage architectural exceptionnel du passé antique de la ville et constitue l'un des rares vestiges directement visitables de l'ancienne Narbo Martius. Sa préservation remarquable à travers les siècles, la qualité de sa construction et son intégration dans le tissu urbain moderne en font un exemple unique de conservation du patrimoine archéologique en milieu urbain. La visite de ces galeries souterraines offre une expérience immersive permettant de comprendre l'ingéniosité des techniques de construction romaines et l'importance commerciale de cette ancienne colonie. Associé au musée Narbo Via et aux autres sites archéologiques de la région, l'Horreum participe à la reconstitution du prestigieux passé romain de Narbonne, première capitale des Gaules et jadis surnommée "fille de Rome". La poursuite des recherches archéologiques à Narbonne, comme en témoignent les récentes découvertes de l'enceinte du Haut Empire et d'entrepôts dans le quartier du port urbain antique, continue d'enrichir notre compréhension de l'Horreum et de son contexte historique. Ces nouvelles connaissances permettent de mieux valoriser ce patrimoine unique, véritable trésor souterrain au cœur de la ville moderne.
À Retenir
- L’Horreum de Narbonne est l’un des rares monuments romains encore visibles et visitables au centre-ville, témoin du passé prestigieux de Narbo Martius, première colonie romaine de Gaule.
- Il s’agit d’un réseau de galeries souterraines construit au Ier siècle avant notre ère, à 5 mètres sous le sol moderne, qui formait les fondations d’un bâtiment probablement destiné au commerce ou au stockage (marché ou entrepôt).
- Le terme « horreum » signifie « entrepôt » en latin ; ces structures étaient essentielles à la vie économique et commerciale des cités romaines.
- Les galeries, voûtées selon les techniques romaines, témoignent de l’ingéniosité architecturale antique et de l’utilisation du mortier de tuileau, matériau hydrofuge et très résistant.
- Redécouvertes au XIXe siècle, les galeries ont été classées Monument Historique en 1961 et ouvertes au public en 1976, après divers remaniements et réutilisations au fil des siècles.
- L’Horreum, avec le musée Narbo Via, permet aujourd’hui de découvrir la vie quotidienne, l’activité commerciale et le patrimoine architectural de la Narbonne romaine.